L’annonce récente d’une hausse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), communément appelés « frais de notaire », de 0,5 point à partir de 2025 a suscité une vive inquiétude parmi les acteurs du marché immobilier. Une mesure destinée à renflouer les caisses des départements, mais dont les impacts risquent de peser lourdement sur les ménages, en particulier les primo-accédants. Décryptons les enjeux de cette décision et ses conséquences sur le marché.
Les « frais de notaire » sont souvent mal compris. En réalité, près de 80 % de ces frais sont des taxes perçues par l’État et les collectivités locales. Avec cette augmentation, les départements espèrent collecter jusqu’à 1 milliard d’euros supplémentaires par an. Toutefois, cette hausse de 0,5 % s’ajoute à un contexte économique difficile, marqué par des ventes immobilières en net recul en raison de la flambée des taux d’intérêt et des conditions d’emprunt plus strictes.
Prenons un exemple concret : pour l’achat d’un bien ancien à 300 000 euros, cette hausse représentera une charge supplémentaire de 1 500 euros pour l’acquéreur. Une somme qui devra être réglée sur fonds propres, car les banques ne financent pas ces frais via les crédits immobiliers.
Les jeunes ménages, souvent primo-accédants, seront les plus touchés par cette mesure. Déjà confrontés à une envolée des taux d’intérêt et à des prix immobiliers encore élevés dans de nombreuses régions, ils peinent à réunir l’apport nécessaire pour accéder à la propriété. Une augmentation des frais de notaire pourrait dissuader bon nombre d’entre eux de se lancer dans un achat, réduisant encore davantage leur accès à la propriété.
À cela s’ajoute le fait que les primo-accédants n’ont souvent pas d’alternative dans le neuf, un marché en chute libre avec des mises en chantier au plus bas niveau depuis 2000.
Après une période de ralentissement marquée par la hausse des taux d’intérêt depuis 2022, le marché immobilier commençait à entrevoir une timide reprise grâce à une baisse progressive des taux depuis le début de l’année. Mais cette hausse des DMTO risque de compromettre cet élan.
En 2014, une étude de l’Insee a analysé l’impact d’une hausse des DMTO. Elle a montré que ce type de mesure provoque souvent un pic d’anticipation, suivi d’une chute brutale des transactions. Après l’entrée en vigueur de la hausse, les ventes ont baissé de 6 % par mois pendant plusieurs mois. Ce scénario pourrait se répéter en 2025. Cela risquerait de réduire les recettes espérées par les départements et d’aggraver les difficultés du marché immobilier.
Le marché immobilier ne fonctionne pas en vase clos. Une baisse des transactions immobilières se répercute directement sur le secteur du bâtiment. Environ deux tiers des achats immobiliers sont suivis de travaux de rénovation ou de rafraîchissement, qui représentent une part significative de l’activité des entreprises du bâtiment.
Ainsi, cette décision pourrait fragiliser un secteur qui contribue à hauteur de 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel en France et emploie directement ou indirectement 1,5 million de personnes.
Le gouvernement assure que cette augmentation des frais sera temporaire, pour une durée de trois ans. Mais l’expérience montre que les mesures fiscales « provisoires » ont souvent tendance à s’inscrire dans la durée. Les acteurs du marché et les ménages craignent que cette hausse devienne permanente. Elle pourrait freiner durablement la mobilité immobilière et l’accès à la propriété.
Pour atténuer les effets négatifs de cette hausse, plusieurs propositions émergent. Parmi elles, maintenir un taux réduit pour les primo-accédants ou exonérer une partie des droits de mutation pour les biens de faible valeur. Le gouvernement pourrait envisager une réforme plus large du financement des collectivités locales pour réduire leur dépendance aux DMTO.
Cette mesure vise à soutenir les finances des départements. Pourtant, elle pourrait freiner la reprise immobilière et fragiliser l’écosystème du secteur. Une réflexion globale sur la fiscalité et les politiques d’accession à la propriété devient indispensable. Cela permettrait d’éviter un nouveau coup dur pour les ménages et les professionnels.